Cette année la ferme Les Bontés de la Vallée, située à Havelock, a cessé la production. Pourtant, c’est une des fermes maraîchères biologiques les mieux connues au Québec, réputée autant pour la qualité de ses légumes que pour son approche agroenvironnementale, détaillée de façon élégante dans le film Humus de Carole Poliquin, qui a pris l’affiche en salle il y a un an à peine. Près de 350 clients n’auront plus accès aux paniers hebdomadaires de légumes bio des Bontés.
Malheureusement les Bontés est loin d’être la seule ferme en difficulté au Québec. Selon un récent sondage choc mené par l’Union des Producteurs Agricoles auprès de 3675 fermes de la province, plus d’une ferme sur dix prévoit fermer ses portes d’ici un an. Les niveaux d’endettement élevés, de pair avec une hausse du prix des intrants et des taux d’intérêt sont parmi les facteurs qui mettent à rude épreuve la compétitivité des fermes de chez nous, notamment par rapport aux pays où les normes environnementales et de travail sont souvent beaucoup moins élevés.
« On n’est pas capables de vivre de notre métier », se désole le copropriétaire des Bontés de la Vallée François D’Aoust, en entrevue avec le Gleaner. Pour lui et sa femme Mélina Plante, des années à travailler de trop longues heures, le salaire trop faible et le manque de temps avec leurs deux jeunes enfants ont mené à une impasse. Après 17 années à produire de légumes et de fruits biologiques selon la formule des paniers bio, le choix de cesser temporairement la production s’est imposé, le temps de repenser leur modèle d’affaires.

« On ne perd pas espoir parce que ce qu’on fait ça a de la valeur. Ce que t’achète à l’épicerie, c’est pas la qualité qu’on produit ici à la ferme, alors oui, c’est dur d’être compétitif contre ça ». De plus, le couple Plante-D’Aoust refuse catégoriquement de se contenter de respecter les normes. Il faudrait plutôt les dépasser pour en arriver à une agriculture réellement durable, clame M. D’Aoust. « Toute agriculture devrait respecter deux principes : Produire la meilleure qualité, parce que c’est de la nourriture … et conserver, voir améliorer la fertilité des terres pour les prochaines générations. Malheureusement en ce moment, c’est la compétitivité qui l’emporte ».
Soigner l’environnement au-delà des normes n’est pas une activité rentable pour les Bontés de la Vallée, mais la solution pourrait se trouver dans un nouveau modèle de ferme communautaire prônée par le couple. Grâce à un noyau solide de clients, dont plus de 100 se disent déjà intéressés par une formule plus participative, M. D’Aoust est plein d’espoir de pouvoir revenir en force l’année prochaine. « On cherche des gens qui vont supporter une ferme communautaire, ou les prix sont basés sur ce que ça coûte réellement. On veut revenir aux racines de l’agriculture soutenue par la communauté, ou le prix est fixé selon le budget de la ferme ».
Développer le nouveau modèle occupe le couple à raison de quelques jours par semaine, et des travaux d’amélioration de la ferme remplissent les moments « libres ». D’ardents défenseurs des bienfaits de la biodiversité en agriculture, M. D’Aoust et sa femme plantent 300 arbres autour des champs, à faire des essais en cultures de couverture pour regénérer les sols, en plus d’entretenir une plantation de 26 000 têtes d’ail cette année.
Les Bontés de la Vallée propose également une sélection intéressante de plants en précommande sur le site lesbontesdelavallee.com/commander, avec ramassage disponible à même la ferme le samedi 20 mai, au 300, rang St-Charles, à Havelock.