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Conciliation famille-travail à la ferme : quand le COVID-19 s’en mêle

Iris Delagrange

Pour Mylaine Massicotte, fermière-maraichère à Havelock, les saisons se suivent et ne se ressemblent pas. Surtout depuis l’arrivée d’un bébé, né en août 2019, ce qui demande d’habitude une planification rigoureuse, facilement chamboulée par la météo et la gestion du personnel, est devenue un véritable casse-tête avec en plus cette année la pandémie à gérer.

Bien qu’au printemps, le nombre d’inscriptions aux paniers a bondi (les gens se souciant encore plus de leur santé et du « manger local »), la gestion du temps aux Jardins-d’en-Haut, sur la Covey Hill, est devenu un vrai défi pour Massicotte et son conjoint, David Lemieux-Bibeau. Et ce n’est pas terminé!

« La saison se passe en montagnes russes, avec des moments pleins de confiance et d’énergie et d’autres où ça déboule et où j’ai le sentiment de manquer d’air, » explique la jeune mère avec candeur. Le défi numéro un : pas de garderie pour le petit Edgar pendant une grande partie de la saison (au moment d’écrire ce texte, nous avons appris que le bébé, qui avait de nouveau une place en garderie familiale depuis la rentrée scolaire, ne pouvait y retourner car les enfants de la gardienne ont été placés en isolement par leur école en raison de symptômes de rhume.)

 

<br >Mylaine Massicotte and her employees harvest vegetables at her market garden Les Jardins den Haut in Havelock PHOTO Sarah Rennie

 

Début mars, le petit garçon avait 7 mois et devait intégrer progressivement un service de garde, permettant à ses parents de démarrer la saison sereinement sans avoir à jongler avec les siestes, les boires. Mais après seulement trois jours, tout a fermé. Écoles, garderies … À ce moment-là, Massicotte s’est dit : « bon, de toutes façons, il est vraiment jeune pour commencer à aller à la garderie et je veux continuer à m’en occuper. Puis nous étions en mars, j’avais commencé des semis mais le gros du travail n’était pas encore commencé, » continue-t-elle. Et puis il y avait toujours l’espoir qu’en mai, la situation se tasse et les garderies réouvrent. Mais celle d’Edgar n’a pas réouvert. Massicotte s’est alors demandé si elle devait mettre la ferme « en pause » pour reprendre les termes du gouvernement au moment du confinement. Finalement, vu que la saison avait démarré, elle a décidé de poursuivre. En revanche Lemieux-Bibeau, son conjoint et ingénieur-forestier, a dû mettre ses activités professionnelles en pause et a demandé la PCU (Prestation Canadienne d’Urgence) afin de s’occuper du petit.

Cette solution, qui n’était pas simple à mettre en place, a causé beaucoup de stress aux jeunes parents : un bébé à la maison, même si un des deux parents s’en occupe, veut dire que l’on doit être productif aux moments opportuns et non pas toute la journée. Et il faut rester concentré. « C’est l’heure de la sieste, je suis calme, je passe du temps de qualité avec le bébé et hop, tout d’un coup, il dort et il faudrait soudainement que je puisse être à fond dans une tâche, tout en ayant un horizon d’une heure et demie de liberté, au maximum, » explique la fermière et maman. Beaucoup de parents ont découvert le télétravail, ont pu rester à la maison avec leurs enfants. Pour Massicotte, impossible de faire cela, de part la nature même de son travail. Alors plusieurs fois, elle a enfilé son porte-bébé et a dû travailler avec le petit sur le dos. « Moi cette année, j’ai souvent le sentiment de ne pas faire ‘grand-chose’ même si c’est archi-faux, » lâche-t-elle avec une certaine amertume.

Pour Massicotte comme pour beaucoup d’autres personnes dans la même situation, il y a donc beaucoup à faire pour changer le système et l’adapter à la réalité. Et nous ne parlons pas nécessairement du contexte exceptionnel du COVID-19. Massicotte et une collègue fermière de la région s’impliquent donc, par le biais des Agricultrices du Québec, pour faire avancer le dossier auprès de la RQAP et de la CSST.
« Le fait est que pour la plupart des agricultrices, il est difficile d’obtenir des congés parentaux pour toutes sortes de raisons mais surtout, d’avoir la capacité de continuer à avoir une ferme pendant ce congé. Avec le COVID et la fermeture des services de garde et des écoles, nous avons aussi crée un comité pour faire avancer l’idée d’avoir des services de garde à domicile. »

Massicotte espère donc que dans le futur, il sera plus facile pour les familles qui exploitent une ferme de concilier la gestion de celle-ci avec la gestion de la famille. « L’accès aux services de garde reste donc la priorité pour faciliter la conciliation travail-famille, » conclut-elle. Le partage équitable des tâches entre les parents est également un enjeu de taille. Avec son conjoint, cela marche très bien. Mais ce n’est pas toujours le cas car dans certains couples, même quand les deux parents travaillent, la charge mentale et physique est souvent plus importante pour les femmes que pour les hommes et cela même si nous sommes en 2020!

Il est également important de noter qu’il existe beaucoup d’autres défis pour les agriculteurs au Québec en ce moment : la capacité d’offrir une rémunération concurrentielle ainsi que le recrutement de gens motivés et qui vont rester d’une saison à l’autre constituent tout une problématique pour n’importe quelle exploitation agricole et vient donc se rajouter aux problèmes que pose la fameuse conciliation famille-travail. Espérons donc que cette pandémie aidera à solutionner quelques-uns de ces problèmes qui ont été mis en lumière et qui sont prioritaires, si l’on considère que la population et le gouvernement doivent se soucier de leurs agriculteurs et agricultrices et de leurs conditions de vie.

 

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