Iris Delagrange
La plupart des artistes ont deux manières de travailler: le travail en studio, solitaire en mode “confiné,” et le travail collaboratif et publique.
Lorsque les restrictions pour contrer le virus ont été mises en place partout dans le monde, les artistes se sont retrouvés dans des situations allant de “je suis déjà en tête à tête avec mes toiles toute la journée” à l’incapacité de se déplacer (de façon locale ou longue-distance), de donner des cours en personne, de rencontrer des collaborateurs ou encore d’exposer le fruit de leur travail dans des galeries ou des événements culturels.
“Je fais le trajet entre ma maison et mon studio, environ 20 mètres, afin de continuer mes projets et mes commandes, comme d’habitude,” explique Alyson Champ, artiste professionnelle et résidente de Saint-Chrysostome, avec une pointe d’humour. “Je travaille aussi sur des applications pour des bourses et subventions,” ajoute t-elle.
Ce qui a changé dès que la pandémie a frappé, en revanche, était la capacité à respecter les dates limites imposées par les instances gouvernementales comme le Conseil des Arts et des Lettres du Québec (CALQ). Beaucoup de projets subventionnés et qui doivent respecter un échéancier bien précis, comme celui sur lequel Alyson Champ travaille en ce moment, se font en collaboration avec différentes personnes et à différents endroits. “Avec la distanciation sociale et les restrictions au niveau des voyages, j’ai du reporter plusieurs étapes de mes projets,” souligne Champ.
La bonne nouvelle, selon l’artiste, c’est que le CALQ a répondu de manière rapide et efficace aux défis imposés par la pandémie à la communauté artistique en permettant notamment le report des dates de réalisation des projets rattachés à des bourses.
Beaucoup d’artistes dans plusieurs domaines (arts visuels, littérature, musique) comptent également beaucoup sur des contrats d’enseignement pour vivre et ceux-ci ont bien évidemment, avec la fermeture des écoles, été annulés ou reportés, plongeant certains artistes dans une situation financière précaire. “Environ un tiers de mes revenus est généré par des contrats d’enseignement,” explique Champ. Bien que certaines agences et établissements ont choisi de rémunérer les artistes même si leur contrat était annulé, ce n’est pas le cas pour tout le monde. “C’est en cela que j’ai été le plus affectée par la crise sanitaire,” conclut l’artiste, qui n’est sûrement pas la seule dans ce cas-ci.
En revanche, cette situation a donné lieu à des innovations qui n’auraient peut-être jamais vu le jour autrement, notamment la recrudescence de la demande pour des ateliers en ligne. Le Conseil des Arts du Canada (CAC) propose par exemple des “micro-subventions” de 5000$ afin d’aider les artistes à adapter leur pratique afin de répondre à la demande pour des ateliers virtuels. L’organisme Culture Montérégie offre aussi du soutien technique, sous forme de formation, afin d’aider les artistes à se familiariser avec les technologies numériques.
Plan de relance économique
Le premier ministre François Legault et la ministre de la culture Nathalie Roy ont par ailleurs annoncé dernièrement un plan de relance économique spécifique au secteur artistique et culturel, accompagné d’une enveloppe de 46 millions de dollars qui sera gérée par le CALQ.
“Plus que jamais, investir dans l’imaginaire collectif québécois nous semble fondamental et déterminant, en cette période particulièrement difficile,” souligne Anne-Marie Jean, présidente-directrice générale du Conseil. Des fonds supplémentaires seront annoncés plus tard et serviront à financer différents secteurs de la profession artistique et culturelle du Québec en donnant les moyens aux artistes de s’adapter aux nouvelles réalités du milieu. Ces mesures ont été mises en ligne sur le site internet du CALQ le 8 juin et d’autres détails seront communiqués durant le mois de juin.
Cependant, selon Alyson Champ, les années à venir risquent d’être compliquées pour les artistes du Québec. “Notre revenu est déjà précaire en temps normal,” avoue t-elle. Pour l’artiste, si l’économie mondiale s’effondre, cela aura des effets dévastateurs pour une communauté artistique déjà fragile.
“Qui va acheter nos toiles? Qui va venir à nos expositions?” appuie t-elle. Et même si les agences gouvernementales sont là pour soutenir les artistes, est-ce que les budgets consacrés aux arts vont être maintenus ou coupés?
“Les artistes ont généreusement partagé de la musique, des lectures de poèmes, des ateliers gratuits pendant que les gens étaient enfermés chez eux. J’espère que le monde va s’en rappeler,” conclut-elle avec une pointe d’optimisme.