Holly Dressel
Traduit par Iris Delagrange
Comme dans d’autres régions au Québec ayant un nombre stable ou peu élevé de cas de COVID-19, les maires de la MRC du Haut-Saint-Laurent continuent de discuter des conséquences possibles d’un afflux soudain de touristes saisonniers, particulièrement des gens de Montréal et du reste de la Montérégie, qui sont elles des régions “chaudes” ou le nombre de cas continue d’augmenter. Comme dans les Laurentides ou les Cantons de l’Est, certains endroits de la Vallée voient leur nombre de résidents saisonniers dépasser le nombre de résidents permanents. Cette situation est particulièrement vraie dans les municipalités de Ormstown et Franklin avec le camping du Lac des Pins, le deuxième “camping à roulottes” le plus gros du Québec. Il est situé à Franklin, à la frontière avec Ormstown. Franklin compte 1 688 résidents à l’année ; même si on y ajoute les 3 595 résidents d’Ormstown, on est encore loin des quelques 8 000 personnes attirées par le camping du Lac des Pins lors de certaines fins de semaines durant l’été. Sur le territoire de la MRC, il existe 9 grands terrains de camping qui coexistent et reçoivent plus de 15 000 visiteurs chaque saison. Pourtant, toutes les infrastructures en place, comme les supermarchés et les services médicaux sont à l’échelle de la population “permanante” moins nombreuse.
Le maire de Franklin, Douglas Brooks, explique que “même pendant un été normal, nos ressources sont mises à l’épreuve quand le Lac des Pins et les autres campings sont ouverts. Cette année, entre les mesures de distanciation et de désinfection, le nombre réduit de clients permis dans les magasins et certains établissements encore fermés, je ne sais pas comment nous pouvons y arriver.” La Dr. Catherine Bélanger, qui est la coordonnatrice COVID-19 pour le réseau de santé du Haut-Saint-Laurent, explique que les médecins “gardent un oeil là-dessus,” faisant référence à l’ouverture possible des campings. “Nous devons être proactifs et nous assurer que les campeurs sauront comment utiliser les ressources disponibles s’ils ont besoin d’y accéder.” (En ce moment, les mesures et les normes s’appliquant aux services d’urgence et aux cliniques médicales ont changé par rapport à avant la pandémie.)
Le 13 mai dernier, les maires de la MRC du Haut-Saint-Laurent ont décidé d’être “proactifs” en essayant de faire entendre leurs inquiétudes aux autorités provinciales concernées. Le maire de Franklin, Douglas Brooks, dit que “nous voulions qu’ils sachent que nous ne sommes pas confortables à l’idée qu’un nombre aussi important de gens arrivent et partent de la région en ce moment; il est possible que notre situation pourrait de ne pas le permettre du tout.” Il explique que “nos premiers répondants, comme les pompiers, sont des bénévoles. Nous avons interdits tous les feux extérieurs afin qu’ils n’aient pas à sortir et à s’exposer,”explique t-il. “Il manque également d’ambulances; les premiers répondants vont très souvent au Lac des Pins pendant une saison estivale normale. Nous ne pensons pas pouvoir gérer un été comme celui qui s’en vient.”
Claire Isabelle, la députée pour le Haut-Saint-Laurent, fait écho à Camping Québec ainsi que les “recommandations de la Direction de la santé publique. Elle mentionne qu’aucune décision n’a encore été prise à ce sujet pour cet été et que “Les conditions ne sont actuellement pas réunies pour que les terrains de camping puissent rouvrir.
Lorsque le temps sera venu de prendre une décision, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) fournira un guide contenant des directives et des règles à respecter. Celles-ci inclueront probablement le trio déjà connu du lavage des mains, du port de masque et de la distance de 2m entre les personnes. Claire Isabelle rappelle que la décision de retarder l’ouverture des entreprises de Montréal reflète la prudence du gouvernement provincial. Elle souhaite également rappeler que pour l’instant, les terrains de camping ouverts sont ceux qui accueillent les résidents saisonniers permanents, ou les fameux “snowbirds”. “Sincèrement, à ce moment-ci,” ajoute t-elle, “je n’ai aucune information me permettant de savoir quand cette décision sera prise.”
Nancy Rochefort, la propriétaire du Lac des Pins, a envoyé un avis à ses clients, mentionnant que si une ouverture a lieu, “nous comptons minimiser l’achalandage en offrant plusieurs options à nos résidents dont celle de ne pas venir camper durant la saison 2020 sans perdre leur emplacement pour 2021.” Il y aura également moins d’employés saisonniers et les visiteurs d’un jour ne seront pas permis. “Nous n’opérerons donc pas à pleine capacité cette année.” Rochefort ajoute que si l’ouverture a lieu, le camping mettra en place des nouvelles règles, telle que la fermeture de certains endroits communs comme la salle à manger et les parcs pour enfants. Elle ne mentionne rien sur les piscines, salles de lavage et des toilettes et douches communes. Rochefort appuie que “le haut niveau de précautions que nous appliquons déjà depuis plusieurs semaines au marché Saint-Antoine-Abbé que nous opérons également. Soyez assurés que nous maintiendrons autant de rigueur et de vigilance dans notre terrain de camping.” Les autres terrains de camping de la région, comme la Canne des Bois à Hemmingford ou encore le Domaine de la Frontière Echantée de Havelock n’ont pas encore publié de plan détaillé si une réouverture a lieu. Ils s’en remettent pour l’instant à ce que Camping Québec dit, c’est à dire que les campings sont pour l’instant fermés.
Même les groupes nationaux ont pris note de la situation, alors que d’autres campings à roulottes bondés seraient susceptibles de réouvrir ailleurs au pays, comme en Ontario et Nouveau Brunswick. Le Parti Vert du Canada a publié un communiqué de presse préconisant une fermeture complète de ces établissements pour la saison 2020. “La concentration et la proximité physique des campeurs pourraient potentiellement déclencher une transmission généralisée de la COVID-19. L’utilisation commune des installations sanitaires et récréatives se prête à un tel risque.” Comme nous l’avons vu ce printemps, cela ne prend pas beaucoup de gens pour transmettre le virus de manière significative. “De plus, la clientèle urbaine de ces terrains de camping pourrait potentiellement déclencher une augmentation des épidémies rurales de la maladie,” a dit Daniel Green, chef adjoint du Parti Vert.
Sur une carte utilisant un calcul de données conservatrices qui retracerait la transmission du virus depuis Montréal, le Parti Vert note que la densité dans les endroits comme le Lac des Pins est énorme: 291 personnes par hectare comparé à 47 dans une grande ville. Cela veut dire que même si les campings réduisent le nombre de clients permis sur les terrains, le Lac des Pins continuerait de recevoir une population 1.5 plus importante en densité que la ville de Montréal. Le Parti Vert. “C’est urgent,” dit le parti chef interim Jo-Ann Roberts. “Si les départements provinciaux de santé publique considèrent qu’il est impossible de garantir la mise en place de mesures de sécurité pour la saison 2020, nous demandons alors au gouvernement fédéral de travailler avec les provinces pour fournir un ensemble de compensations aux propriétaires touchés,
Ce dernier point est un point essentiel. Franklin, comme beaucoup d’autres municipalités dans la MRC, compte beaucoup d’entreprises directement liées au tourisme saisonnier, que cela soit pour une journée d’agro-tousirme ou pour des séjours plus longs. La réunion du 13 mai avait donc pour but de discuter de tout cela et de tomber d’accord sur la nécessité de “sensibiliser les ministères… [à propos] des impacts de la réouverture des campings sur la santé publique et sur les entreprises locales.”
“C’est une décision compliquée,” explique Douglas Brooks. “Nous avons nos entreprises et touristes à coeur et nous dépendons beaucoup d’eux. C’est très dur. Nous allons tous y perdre là-dedans.” Brooks explique que la clef pour le gouvernrement est de savoir quand redémarrer toutes ces activités. “Pour l’instant, ni Montréal ni nous ne sommes prêts.” En guise de conclusion, le maire de Franklin explique le dans le Haut-Saint-Laurent “nous sommes une zone agricole forte. Nous sommes un service essentiel. Nous ne voulons pas que nos fermiers soient malades. Des étalages vides sont pires que des vacances annulées.”